1er avril 1960 : l’ONU condamne l’apartheid

Le 21 mars 1960, dans un township – une banlieue noire – de Vereeniging dans la région du Transvaal en Afrique du Sud, les habitants répondent à l’appel pacifique lancé trois jours plus tôt par Robert Sobukwe, président du Congrès panafricain d’Azanie (PAC)...

Ce 21 mars 1960, il s’agit pour les habitants de se réunir devant les postes de police et se porter volontaire à l’arrestation pour « non-port du pass », le passeport intérieur imposé par les autorités de l’État d’Afrique du Sud. Au sortir de la Seconde guerre mondiale, et après des siècles de politique de ségrégation, le pays en effet entré dans une nouvelle phase, celui d’un véritable « Racisme d’Etat », « l’apartheid » instauré par le « Group Areas Act » (Loi d’habitation séparée) du 27 avril 1950 et la loi du 22 juin 1950 qui institutionnalise la classification raciale pour chaque habitant du pays âgé de plus de 16 ans. Le gouvernement sud-africain du Parti National, représentant de la minorité afrikaners, celle des Blancs d’origine néerlandaise, française, allemande ou scandinave, passe désormais le pays en coupe réglée de l’humiliation raciale : les noirs d’un côté, les blancs de l’autre.

À Sharpeville, la foule atteint près de 5000 personnes et les policiers, débordés par le nombre, demandent des renforts. Des chars prennent position et des avions volent en rase-motte pour disperser la foule. Un incident mineur provoque un mouvement de foule. Les policiers mettent en joue et tirent. Les manifestants tournent le dos et se couchent, pensant éviter les tirs. On releva 69 morts et parmi les 178 blessés, un nombre très impressionnant de blessures par balles dans le dos, à la tête ou à la poitrine.

Le massacre provoque l’émoi et place le gouvernement Sud-africain sous la lumière de l’opinion publique internationale. Dans une lettre en date du 25 mars 1960 adressée au Président du Conseil de sécurité de l’ONU, les représentants de l’Afghanistan, de l’Arabie Saoudite, de la Birmanie, du Cambodge, de Ceylan, de l’Éthiopie, de la Fédération de Malaisie, du Ghana, de la Guinée, de l’Inde, de l’Indonésie, de l’Irak, de l’Iran, du Japon, de la Jordanie, du Liban, du Libéria, de la Libye, du Maroc, du Népal, du Pakistan, des Philippines, de la République arabe unie, du Soudan, de la Thaïlande, de la Tunisie, de la Turquie et du Yémen demandent la convocation en urgence  aussitôt que possible pour qu’il « examine la situation résultant du massacre de manifestants sans armes qui protestaient pacifiquement contre la discrimination et la ségrégation raciales en Union sud-africaine ». En ouverture des débats, l’Union Sud-africaine proteste : « étant donné surtout que c’était la première fois dans l’histoire de l’Organisation des Nations Unies que le Conseil de sécurité décidait d’examiner des troubles de caractère purement local survenus sur le territoire d’un État Membre ».

En effet, le débat est inédit et ne concerne pas un litige entre États mais la politique d’un État. Les pétitionnaires invoquent le risque engendré par la politique raciste des Afrikaners : la déstabilisation des relations entre les états africains.Le 1er avril 1960, l’ONU adopte la résolution 134 :« Tenant compte de l’émotion profonde et de la vive inquiétude que les événements survenus en Union sud-africaine ont suscitées parmi les gouvernements et les peuples du monde,
 
1. Reconnaît que la situation en Union sud-africaine a entraîné un désaccord entre nations et que sa prolongation risquerait de menacer la paix et la securité internationales;
 
2. Déplore que les troubles récemment survenus en Union sud-afrieaine aient entraîné la mort de tant d’Africains et exprime aux familles des victimes sa plus profonde sympathie;
 
3. Déplore la politique et les actes du Gouvernement de l’Union sud-africaine qui ont provoqué la présente situation;
 
4. Invite le Gouvernement de l’Union sud-africaine à prendre des mesures pour assurer entre les races une harmonie fondée sur l’égalité, de façon que la situation actuelle ne se prolonge ni se reproduise, et à abandonner sa politique d’apartheid et de discrimination raciale;
 
5. Demande au Secrétaire général, en consultation avec le Gouvernement de l’Union sud-africaine, de prendre les dispositions qui contribueraient efficacement au respect des buts et principes de la Charte et de faire rapport au Conseil de sécurité chaque fois que cela sera nécessaire et approprié. »

La résolution est approuvée par 9 voix contre deux absentions : la France, engluée dans la guerre d’Algérie, explique sans rougir que « le problème de la coexistence des races se posait d’une manière différente suivant les pays. Une solution uniforme ne pouvait lui être donnée, encore moins une solution imposée de l’extérieur. » ; le Royaume-Uni, notamment en raison de l’appartenance de l’Afrique du Sud au Commonwealth.En 1986, la loi sur les laissez-passer (‘Pass Laws Act’) de 1952 est abolie. Le 27 avril 1994, l’Afrique du Sud est réunifiée et l’apartheid cesse d’être le régime légal dans le pays.

Depuis 1966, le 21 mars a été déclaré par l’ONU Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale en hommage aux victimes de Sharpeville et pour inviter la communauté internationale à redoubler d’efforts pour éliminer toutes les formes de discrimination raciale

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